Arrêtez de marchander, négociez, par Julien PELABERE

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1995
Julien Pelabere
Julien Pelabere

Il est communément admis que marchandage et négociation sont la même chose. Ou encore pour les personnes travaillant dans la vente, que la négociation commence quand la vente s’arrête ou encore quand nous obtenons un « non ». 

Hors cette confusion peut être coûteuse quand nous avons à négocier car le marchandage amène au compromis et le compromis n’est pas créateur de valeur, bien au contraire. Le compromis c’est abandonner une partie de ce que l’on considère à soi, faire abandonner une partie de ce que l’autre considère à lui pour créer une zone d’accord et se retrouver soit un peu gagnant /  un peu gagnant, soit un peu perdant / un peu perdant. Cela dépendra si vous voyez le verre à moitié plein ou vide.

Marchander, c’est couper la poire en deux. Et le piège du marchandage c’est que son succès ne s’apprécie qu’au temps passé (ou gaspillé) et à la difficulté perçue chez l’autre. Plus nous passons un temps considérable pendant cette phase, et plus cela semble difficile pour mon adversaire de continuer à marchander, plus cela semble indiquer que mon marchandage est bon. On comprend bien qu’effectivement on peut obtenir un accord, mais à quel prix ? Ou à côté de quel accord bien meilleur est on passé ?

Pourtant la différence entre négociation et marchandage n’est pas très compliquée. 

  • La négociation est une discussion qui a pour origine le « pourquoi ». Pourquoi négocions nous ? Quels sont les besoins ou intérêts ? etc…
  • Le marchandage est une discussion qui a pour origine le « quoi ». Quels ont été les critères pour définir le prix, délai de livraison ou autres ? Quels sont mes attentes ? Quels sont mes arguments pour justifier ma position ? etc…

Le but de la négociation est de satisfaire le « pourquoi » et non forcément le « quoi » de mon partenaire. Dit autrement c’est de satisfaire son besoin et non forcément son attente. Et c’est ainsi qu’il est possible maximiser la négociation et création de valeur pour les deux. L’objectif n’est pas de rester dans une guerre d’argumentation où propositions et contre propositions s’entrechoquent jusqu’à ce que l’on arrive péniblement à couper la poire en deux. L’objectif est de comprendre pourquoi mon partenaire souhaite négocier et comment je peux lui apporter beaucoup sans que cela ne me coute trop, et inversement, comment peut il m’apporter beaucoup sans que cela ne lui coute trop. 

Si le marchandage nous permet d’arriver à 1+1=2 (ou très souvent 1,5+0,5=2), le but de la négociation est de faire 1+1 > 2. 

Cela n’est possible que si derrière l’attente on s’intéresse au besoin de l’autre. 

Cela n’est possible que si dans la négociation nous passons d’une volonté de convaincre à une volonté de comprendre. Pour nous aider dans cette réflexion à la négociation nous avons développé une approche unique qui repose sur un référentiel scientifique après 4 années dans un laboratoire de recherche à la Sorbonne.

Voici notre référentiel de Négociation d’Influence CELIA® et ses 5 étapes :

C : Connecter : cette phase de connexion à l’autre est importante. C’est un moment d’accueil et de bienveillance où le négociateur doit être prêt à accueillir son partenaire. Ce moment est crucial car il demande d’avoir l’intelligence de sortir des présupposés ou stéréotypes que l’on a de l’autre. Ne pas céder à ses biais cognitifs qui sont des raccourcis hâtifs pour les questionner, les remettre en question et accueillir l’autre en étant le moins campé sur ses certitudes. Pour remplir une tasse d’eau, faut-il encore l’avoir vidée avant.

E : Ecouter Activement : car comme  il n’y a pas de bonnes réponses sans bonnes questions, il faut prendre le temps d’être dans une dynamique d’empathie pour écouter son interlocuteur. Les travaux de Carl Rogers, fondateur de l’écoute active, sont à ce titre très pertinents. Grâce à des questions ouvertes, l’emploi de reformulations validantes, paraphrases, pauses et silences, identification des émotions, normalisation, etc… le négociateur va pouvoir diminuer l’intensité émotionnelle de son interlocuteur et réduire le risque d’incompréhension. Cette étape cathartique va permettre à celui qui s’exprime de ventiler ses émotions et donc de pouvoir progressivement changer sa façon de percevoir le monde qui l’entoure.

L : Libérer la Confiance : socle de toutes négociations, la confiance est indispensable pour parvenir à un accord. Sans confiance aucun accord ne peut se dessiner. Il faut la voir comme un construit relationnel. Le négociateur pourra donc travailler aussi bien sur la confiance affective (à travers les expériences antérieures, ses compétences ou expertises, la similarité ou le partage de valeurs communes, son autonomie dans la prise de décision ou encore sa capacité à être sympathique et à créer du lien) que sur la confiance organisationnelle (la taille de son entreprise, sa réputation, l’historique construit ensemble, etc…).

I : Inviter au Changement : une fois les trois premières étapes respectées il est temps de proposer des portes de sorties à son interlocuteur. Néanmoins les annoncer frontalement pourrait avoir en retour un « non » catégorique. Il est préférable à ce moment de fonctionner à travers des suggestions ou des hypothèses (« et si… »). Le but est de créer une brèche dans l’esprit de son interlocuteur comme le propose Kahneman. Si elle est pertinente, l’idée va prendre vie au fur et à mesure et prendre de plus en plus d’importance jusqu’à ce que notre partenaire se l’accapare pleinement. Il est intéressant à ce moment de voir que les hypothèses peuvent être sur des conséquences positives (pour inviter au changement) ou négatives (pour recadrer ou avertir des conséquences). C’est au négociateur d’aider son partenaire à comprendre que l’issue la plus favorable pour lui passe par un accord. 

A : Accompagner vers l’Accord : une fois l’idée soumise et faisant sens dans l’esprit de notre interlocuteur il faut savoir que l’action n’aura pas lieu immédiatement. Il y aura un laps de temps plus ou moins important en fonction de la situation pour que la décision d’agir se matérialise par une action concrète. Durant cette période il faut être capable d’être disponible pour son partenaire et le rassurer sur les prochaines étapes qui vont avoir lieu. Avancer vers l’inconnu fait légitimement peur et il faudra banaliser ce sentier obligatoire si on veut parvenir à un accord.

Négocier avec la méthode CELIA permet de sortir d’une guerre de position et du marchandage où chacun justifie son propos avec un argumentaire qui devient vite stérile. Mettre l’interlocuteur en position de partenaire, et essayer de le comprendre avant de soumettre des hypothèses, reste la meilleure solution pour trouver un accord viable. 


Julien PELABERE
Complex Negotiation Expert
Sujets de prédilection : #formation, #influence et #négociation



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