Alfred Sauvy théorie du Déversement, par Gaultier Longuemard

Quand Sauvy parle aux Experts-Comptables

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Gaultier Longuemard
Gaultier Longuemard

Quand Sauvy parle aux Experts-Comptables 

Si Alfred Sauvy est surtout connu pour son article paru dans Libération en 1952 ayant donné naissance au terme Tiers-monde, sa réflexion est extrêmement nourrie et devrait parler aux Experts-Comptables. Effectivement A. Sauvy est le théoricien de ce qu’il a appelé le déversement, expliquant les modifications de la structure socioprofessionnelle au cours du XX° siècle. Aujourd’hui, l’économie française est composée en très large majorité d’emplois du secteur tertiaire, autrement dit de services. Selon l’Insee en 2014, ils représentaient 75% des emplois. Cependant, aujourd’hui, le secteur tertiaire semble en pleine mutation, de plus en plus de services sont automatisés. Il suffit de regarder les caisses de nos supermarchés. Dès lors qu’est-ce que la théorie du déversement, et pourquoi les Experts-Comptables devraient y être attentifs ? 

1- La théorie du déversement dans ses grandes lignes : 

C’est en 1980 dans son ouvrage La machine et le chômage, que l’on retrouve la théorisation du déversement. Sauvy explique en partie les mutations du secteur primaire vers le secteur secondaire qui se sont produites au milieu du XX° Siècle. Il permet aussi d’expliquer le basculement du secteur secondaire vers le secteur tertiaire. L’explication se trouve dans les gains de productivité générés par le progrès technique. En effet les progrès techniques engendrent une augmentation de la productivité globale des facteurs de production. Cette augmentation provoque une croissance des volumes produits, donc en parallèle une baisse des prix, ce qui entraine une hausse de la demande. Cependant si l’augmentation de la productivité est supérieure à l’augmentation de la demande, il en résulte une perte d’emploi et un basculement vers le secteur suivant. Si on a souvent cru que les services étaient à l’abri de l’augmentation des gains de productivité de par la place occupée par l’humain, on observe depuis quelques années que le secteur tertiaire semble de plus en plus en proie à ce phénomène, ce pourquoi les Experts-Comptables doivent être attentifs à la situation.

2- Pourquoi les Experts-Comptables doivent rester attentifs à l’augmentation des gains de productivité dans le secteur tertiaire ? 

« Les ordinateurs sont partout, sauf dans les statistiques » disait Robert Solow. En effet, il est relativement facile de calculer la productivité dans les secteurs primaires et secondaires, ce calcul étant beaucoup plus compliqué dans le secteur des services. Comment calculer l’apport des nouvelles technologies de l’information et de la communication en terme de productivité ? Tant bien même la complexité de ce calcul, l’apport est bien réel. La difficulté du calcul a souvent poussé les économistes à penser que les services ne seraient pas touchés par ce phénomène de déversement. Mais ces dernières années, on observe une tendance à la digitalisation et à l’automatisation de certains services. Au sein des services, il est important de faire une distinction entre les services nécessitant peu de capital humain qu’on qualifiera de routiniers et ceux nécessitant davantage de capital humain. Une étude de Pauline Charnoz et Michael Orand publiée dans l’INSEE en 2018 intitulée : Progrès technique et automatisation des tâches routinières : une analyse à partir des marchés du travail local en France dans les années 1990-2011, met en avant les effets de l’informatique sur les emplois routiniers. Une des principales conclusions de l’étude met en avant le remplacement des employés qualifiés de routiniers par du capital informatique. Les auteurs parlent alors de substituabilité des travailleurs routiniers. Il est évident que le métier d’Expert-Comptable est un métier demandant un niveau important de capital humain et donc peu sujet à cette substituabilité cependant, la profession semble devoir se méfier des apparences. En effet au sein d’un cabinet comptable, il existe une quantité non négligeable de taches que l’on peut qualifier de routinières. On peut citer par exemple la saisie comptable ou la réalisation de fiche de paie. Ce genre de mission expose la profession à l’automatisation, aussi selon une étude de l’université d’Oxford citée par le think tank des moulins Quels métiers demain ? Le métier de comptable a 94% de chances de disparaitre. 

Ainsi, même si l’expertise comptable est un domaine demandant un capital humain important, un domaine en théorie à l’abri d’un déversement à la A. Sauvy, en le passant à la loupe, on s’aperçoit qu’une quantité non négligeable de taches se révèlent routinières et menacent ainsi la profession. Il est donc nécessaire pour les Experts-Comptables de conserver un œil vigilant sur cette problématique afin de transformer la profession. Et si la solution se trouvait dans l’économie de plateforme ? 


Gaultier Longuemard
Stagiaire Commercial chez Lucadvisor

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