Le pacte d’actionnaires, la possibilité de sortie des investisseurs, par Julia PALII

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Dans les faits, la société holding en investissement et participation dans le football détenait, en 2012, 83.07% du capital social de Le Mans football club. Ce dernier s’est retrouvé en 2012-2013 face aux dettes liées à la construction de son nouveau stade. Dans le même temps, le gérant de la société holding est à la recherche d’investisseurs. M. Terrouanne, gérant de la société Avantador accepte à d’effectuer un apport de 70.000 €. Il remet donc, un chèque au bénéfice de la CARPA et une lettre d’instruction à un avocat où il précise de ne verser les fonds que si le club est maintenu en deuxième division définitivement.  Il s’engage aussi à souscrire à une prochaine augmentation de capital du club « avec mise en place impérative, en même temps, d’un pacte d’actionnaires prévoyant les conditions de son droit de sortie ». Le club a maintenu sa division et les fonds ont été versés. Mais par la suite, le club a été placé en redressement judiciaire puis en liquidation. Avantador a perdu le fond investi par la faute de l’avocat car le pacte d’actionnaire n’a jamais été signé. Vu cela, Avantador poursuit le club et son avocat pour l’ « avoir privé du droit de sortie prévue dans le pacte ». La Cour d’appel prononce sa décision en condamnant le gérant de la holding et l’avocat d’Avantador à verser la somme de 70.000 €. La Cour de cassation rejette les pourvois. Afin de reconnaitre la faute commise, la Cour se prononce sur la valeur des engagements pris avant la signature de pacte d’actionnaire (I). En outre, elle précise le préjudice subi (II) et la responsabilité de l’avocat face à une faute commise (III). 

 

I/ Les engagements, ont-ils la valeur avant la signature du pacte d’actionnaire ?

Dans le présent cas il faut rappeler que l’investisseur avec la remise du chèque à s’est engagé dans une lettre à « souscrire à une nouvelle augmentation de capital (…) avec mise en place impérative, en même temps, d’un pacte d’actionnaire prévoyant les conditions de son droit de sortie au 30 septembre 2013 ». Plusieurs courriers confirment que l’avocat de l’investisseur « s’occupe de préparer le pacte d’actionnaires » et le projet non-signé avec le titre « promesse d’achat d’actions » a été envoyé. Sur ledit fait, l’investisseur a considéré que l’absence de conclusion du pacte n’était pas fautive car «la liberté contractuelle emporte la liberté de ne pas contracter, sous la seule réserve de l’abus et que le simple fait de ne peut avoir contracter n’est pas à lui seul constitutif d’un tel abus ». 

L’article 1102 du Code civil nous rappelle que chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter. Dans cette affaire, l’investisseur a eu une phase de négociation mais il n’y a pas eu de signature de contrat derrière. L’article 1112 nous confirme l’existence de cette situation : « L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations pré-contractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ». Prenant en compte l’avancement de négociation pré-contractuelle, Avantador a fait légitimement croire la conclusion du contrat. Nous pouvons constituer que le fait de la circulation d’un document intitulé « promesse d’achat d’action » signifie l’acceptation de financement par Avantador. 

Si nous regardons les arrêts de la Cour sur la signature du pacte d’actionnaire, nous pouvons constater qu’il est possible d’avoir des conditions pré-contractuelles avant la signature du tel pacte (par exemple réalisation d’un audit fiscal, juridique ou constitution d’une autre opération). Par conséquence, si toutes les conditions sont remplies, le pacte peut être signé et dans le cas où le pacte n’est pas signé, les conditions sont considérées comme défaillantes. Dans le présent arrêt, la Cour de cassation a considéré que c’est le « pacte d’actionnaire qui conditionnait l’engagement de la société Avantador ». L’article 1304-6 du Code civil précise « en cas de défaillance de la condition suspensive, l’obligation est réputée n’avoir jamais existé ». Ainsi, basé sur l’article ci-dessus, nous considérons que la somme de 70.000 € ne devrait être versée qu’à condition d’établir un préjudice.

 

II/ Préjudice subi

Avantador s’est engagé à l’augmentation du capital social d’une société tandis que cette dernière a été liquidée par la suite. S’il y avait eu une clause de sortie à sa disposition et si le cessionnaire avait accepté d’acheter, il aurait pu céder ses actions. L’absence d’une telle clause de sortie est qualifiée de perte de chance. Selon la jurisprudence, la réparation d’une perte de chance est égale à la chance perdue mais pas aux avantages dans le cas de réalisation. Comme, la probabilité de cession des actions est sûre, « les juges ont pu affirmer que le préjudice subi par l’associé minoritaire pour violation d’une clause de non-dilution correspondait au montant de ces apports ».

 

III/ Faute commise par l’avocat

Dans le présent cas, l’avocat a travaillé pour l’investisseur et pour le club en même temps. Or, il connaissait bien le sujet et selon la Cour « l’économie générale de l’opération ». Ayant effectué le transfert du fond (70.000 €), il a laissé de côté la signature du pacte d’actionnaire qui contient la possibilité de sortir pour Avantador. Un avocat a la mission d’informer et de conseiller le client, mais souvent il ajoute une mission d’assistance, de représentation ou de rédaction d’un document. De ce fait, envers l’investisseur, les juges qualifient l’avocat en qualité de « mandataire » (pour le versement du fond). L’existence du pacte d’actionnaire a double mission pour l’avocat. A la fois le versement du fond et la rédaction d’un acte d’actionnaire. Comme le but n’a été pas accompli, l’avocat a failli à sa mission. Le montant du préjudice de faute commise est égal à l’investissement d’Avantador qui n’a jamais signé le pacte. 

Dans cette affaire, la non-signature du pacte d’actionnaire lui a permis de ne rien perdre. 


Julia PALII
Juriste Viseeon siège

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